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Un fils Asperger
12 novembre 2013

Le jugement des autres

Nul ne devrait juger les autres

 

Ce week-end, j’ai eu l’occasion de m’affirmer, pour une fois.

Bon, j’admets que c’est plus simple maintenant que mon fils se comporte dans 90 % des cas bien mieux que les enfants Neurotypiques (les 10 % restants sont néanmoins parfois épiques), mais tout de même.

Quand on a un enfant sur le spectre autistique, on doit vite apprendre à supporter le regard d’autrui. D’abord on en souffre. Puis on l’ignore. Puis on ne le remarque même plus. Puis on se met en colère, qui sont donc ces gens qui jugent ? Ils n’ont jamais rien vécu de difficile ou quoi ? Enfin, on s’aperçoit qu’ils sont tout simplement absolument ignorants.

La plupart de ces ignorants sont simplement ignorants, mais d’autres sont intolérants et tout simplement c… (pardon, mais c’est exact).

Heureusement, l’ignorance se guérit.

Comme une maman ne juge pas une autre dont le gamin hurle dans les rayons puisqu’elle l’a vécu elle-même à un moment ou un autre.

 

Mais revenons-en à mon histoire.

 Ce week-end on était dans un grand parc. Au milieu de ce parc il y a un petit « enclos » pour les tout-petits, bien sécurisé pour qu’ils ne sortent pas. Je suis venue avec mon fils Asperger (9 ans) et mon tout petit bébé qui ne marche pas encore – mais qui peut faire un peu de balançoire de tout petit ou un peu de toboggan pour se sentir grand.

Le grand est indépendant, autonome. Il se débrouille et joue seul. Aucun souci.

Il est également déficient visuel. Mais cela ne se voit aucunement. Vous pouvez nous côtoyez pendant deux mois et ne pas vous en apercevoir (l’intelligence a ses avantages, la compensation se fait bien mieux).

Ce détail a son importance, dans mon histoire.

Donc, on se promène, on discute, on rit, puis je dis à mon grand que je vais aller un peu dans le jardin des tout-petits avec son petit frère. Il entre avec moi, attend que je choisisse mon coin, puis me dit qu’il veut aller se promener. Je lui demande de revenir régulièrement, mais OK. Il est vraiment très autonome et gère bien, ne se perd pas, et même si, il sait demander. Un enfant de 9 ans, quoi.

Je lui promets de rester ici, dans l’enclos des tout-petits.

Mon fils s'en va donc, vaquer à ses occupations, pendant que je sors le bébé de la poussette, joue un peu avec lui. Puis me déplace un peu à l’ombre.

Tout d’un coup mon grand arrive en courant,  criant « maman, maman », je lui réponds, faisant de grands gestes (pour qu’il me voie) « ici, je suis ici ». Il arrive vers moi, parlant fort, disant « je ne t’aime plus, pffff »,  d’une voix agressive – mais les larmes aux yeux, puis fait mine de me taper (il ne me tape jamais, absolument jamais, toute violence éventuelle se dirige contre lui-même, jamais jamais contre les autres, je n’avais donc aucune inquiétude).

Je savais immédiatement ce qui s’était passé. Je lui ai dit que je m’étais déplacée à cause du soleil, mais que j’étais restée sur place comme promis. Je lui ai dit que j’étais désolée de ne pas avoir dit exactement où je serai, que je resterai désormais entre la petite maison et l’arbre. Mais que j’étais, comme promis, restée dans l’enclos, qu’il n’avait donc aucune raison de s’énerver. Que j’avais tenu ma promesse. Que je n’étais pas partie. Que je ne partirais jamais sans le lui dire.

Il s’énerve encore un peu, puis se calme très rapidement et tombe dans mes bras. Puis, calmement, repart.

Une femme arrive alors ; un air pincé. On les reconnait de loin, celles qui jugent.

Elle : « Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas » 

Moi : « Tant mieux. Car cela ne vous regarde pas » (je la voyais venir, vous pensez bien) 

Elle : « Votre fils, vous devrez le contrôler mieux. Vous ne devriez pas lui faire un câlin lorsqu’il se comporte aussi mal ». 

Moi (*pensant « youpie, voilà super nanny »*) : « Vous êtes bien prompte à juger. Mais permettez-moi d’expliquer pourquoi il a réagi ainsi ». 

Elle, haussant un peu les yeux au ciel, se détourne, faisant mine de s’éloigner me lançant d’un ton dédaigneux quelque chose comme : « Vous n’avez rien à m’expliquer. Je vous donne juste un conseil».  

Moi, la retenant en me plaçant devant elle : « oh, je pense justement que si. Vous avez pris le temps de nous observer et de nous juger. Vous allez prendre le temps pour m’écouter et vous apprendrez à quel point vous êtes dans le faux ».

Elle, un peu surprise et tentant de se débarrasser de moi : « mais ce que vous faites avec votre enfant ne regarde que vous ». 

Moi : « c’est ce que j’ai tenté de vous dire, mais ce n’était pas votre avis à ce moment-là. La moindre des choses est donc, maintenant que vous vous êtes mêlée de mes affaires, de m’écouter ». 

Elle, hautaine, le menton en peu relevé : « Oui ? » 

Moi : « Mon fils, que vous venez de voir, vient de vivre une panique terrible. Il croyait que j’avais disparue. Totalement. Que je n’étais plus là » 

Elle, un peu moqueuse et sûrement très condescendante : « Oui, bien sûre, … » 

Moi : « Je vous demande de m’écouter, de ne pas vous murer dans votre ignorance » 

Elle, vexée, tente de s’éloigner, je la retiens, me plaçant encore devant elle. Elle commence à être très gênée. Pas moi, j’ai l’habitude qu’on me regarde. 

Moi : « Et la raison pour laquelle il pensais que j’avais disparue est qu’il est fortement déficient visuelle. Son acuité visuelle n’est que de 20% d’un œil, l’autre est aveugle. Quand il est revenu de sa balade, je n’étais pas où il m’avait laissé. Il ne m’a pas vue. Même en regardant autour de lui. Il croyait que j’avais disparue. Vous avez vu les grands gestes que j’ai faites de mes bras ? Je fais des moulinets pour qu’il me voie. Et comme il est hypersensible puisqu’il a en outre le syndrome d’Asperger, il a totalement paniqué. Lorsqu’il m’a appelé, que je lui ai répondu, il m’a retrouvée à la voix et puis aux grands gestes des bras. Et du coup il a une réaction qui pouvait paraître vive. En fait, c’était le soulagement après une grosse frayeur. » 

Elle : « Oh, pardon, je ne savais pas ». 

Moi : « Justement. Ne jugez pas ce que vous ne comprenez pas. Demandez au lieu de juger. » 

Elle, tentant de reprendre le dessus : « En même temps, je ne pouvais pas deviner » 

Moi : « Non, mais vous étiez pourtant prête à juger. Là où mon fils ne peut pas voir, vous ne voulez pas voir. Mais, heureusement, l’ignorance se soigne » (j’admets, je ne supporte plus les gens qui jugent, ce n’était pas sympa). 

Elle, pincée : « Ce n’est pas une raison de m’insulter ».

Moi : « Ce n’était pas mon intention, j’ai juste constaté un fait, et si la prochaine fois vous jugez un peu moins vite, cela prouvera que vous pouvez encore apprendre des choses. » 

Elle, murmurant, « et ben, au-revoir ». 

Moi, souriante (j’ai appris à sourire quoi qu’il arrive) : « bonne journée ».

 

Quand mon fils est revenu de son petit tour, souriant, il m’a apporté une petite fleur. « Pour toi, ma maman adorée ». 

On est encore restée une heure. La femme est partie après cinq minutes, un petit enfant avec elle (je pense son petit-fils, mais qui suis-je pour juger, cela pouvait aussi être son fils).

Somme toute: une excellente journée.

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Commentaires
Un fils Asperger
  • Mon fils est atteint du syndrome d'Asperger (ce qu'on appelle - à tort - l'autisme de haut niveau). Certains jours étaient insurmontables - mais nous avons réussis. D'autres étaient rayonnants. Aujourd'hui cela va mieux, et j'espère aider d'autres parents!
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